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Du jeudi 27 au vendredi 28 mars 2025
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Forum National de la Gestion durable des Eaux pluviales 10ème édition !

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Le Cerema : Ré-inscrire la notion de Niveaux de service, de risque acceptable, d’investissement consenti, pour TOUS les niveaux de pluie, au service d’une meilleure prise en compte du ruissellement

Résumé :
Depuis 2003 et la publication de « La Ville et son Assainissement », le Cerema défend la notion de Niveaux de Service pour une gestion des eaux pluviales adaptée à TOUS les types de pluie, des plus petites et fréquentes aux plus fortes et rares. Malgré des avancées majeures et à tous les niveaux depuis 2015, le ruissellement reste un défi crucial : il représente 60 % des coûts des sinistres inondation en France. A l’interface entre risques et eaux, droits, compétences et responsabilités, géographie et paysages, le ruissellement est peut-être l’ornithorynque qu’était l’hydrologie en 1995 : au croisement de diverses expertises difficiles à mêler. Face à l’urgence climatique, le Cerema accompagne les collectivités et acteurs locaux pour un aménagement du territoire s’inscrivant dans son bassin versant et son hydrologie, en différenciant les « eaux gérées » des « eaux non-gérées » comme le recommande l’IGEDD.

La Plénière du Forum National, avec des invités d’exception du fait de leur expertise et investissement dans ces sujets, sera l’occasion d’aborder le bilan des dix dernières années, les avancées mais aussi et surtout ce qui n’a pas suffisamment avancé tel que la gestion du ruissellement.

La notion essentielle de Niveaux de Service

En 2003, le Ministère en charge de l’environnement et le Cerema (Certu à cette époque) publiaient « La Ville et son Assainissement ». Cet ouvrage a assis la notion de « Niveau de service », c’est-à-dire : 

(i) l’impossibilité de gérer TOUTES les pluies de la même manière ; 

(ii) la nécessité de hiérarchiser les enjeux et outils en fonction des différents niveaux de pluie ; 

(iii) de penser, à chaque niveau de pluie, au « service rendu » au territoire, selon le « risque acceptable » et l’investissement consenti. 


Initialement orientée sur l’hydrologie urbaine au vu des priorités du moment, cette notion de niveaux de service reste valable sur tous les territoires, tant urbains que ruraux ou naturels : la nécessité de penser TOUS les niveaux de pluie.

Objectifs de gestion des eaux pluviales selon les conditions pluviométriques. Notion de niveaux de services (Source : CEREMA, 2014)


Une clarification des compétences à partir de 2015 : 

Par exemple, avant 2015, il n’y avait pas d’objectif homogène de gestion des eaux pluviales en assainissement ; mis à part la « fameuse » règle de doctrine des « 20 déversements par an et par déversoir d’orage ».

Depuis l’arrêté ministériel du 21 juillet 2015, ces objectifs sont beaucoup plus clairs. De même, c’est dans cette période que sont promulguées les lois NOTRé (Nouvelle Organisation Territoriale de la République) et MAPTAM (Modernisa-tion de l'Action Publique Territoriale et d'Affirmation des Métropoles) qui ont grandement clarifié certaines compé-tences jusqu’à la création de deux nouvelles compétences des collectivités, à savoir la GEPU (Gestion des Eaux plu-viales Urbaines) et la GEMAPI (GEstion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations). 

A ce titre, le Cerema accompagne les collectivités dans ces prises de compétences. Il a récemment publié un Centre de ressources « Eau et Ville » pour accompagner les collectivités dans l’exercice de la compétence « Gestion des Eaux Pluviales Urbaines » (GEPU) ; voir l’article dédié. Il a également publié plusieurs fiches concernant la GEMAPI, voir « fiches GEMAPI ».

Le rapport de l’IGEDD (2017) contenait de nombreuses recommandations visant principalement à mieux articuler les différentes compétences de l’eau, entre-elles, mais aussi avec les compétences « hors du domaine de l’eau » (urbanisme, voiries, espaces verts, etc.) ; même si celles-ci sont assurées par différentes collectivités.


Recommandations sur l’articulation des compétences de l’eau - « Gestion des eaux pluviales – Dix ans pour relever le défi » (IGEDD, 2017)



La situation aujourd'hui : 10 ans après

Il y a eu de nombreuses avancées majeures depuis 10 ans en matière de gestion des eaux pluviales : de sensibilisation, de désimperméabilisation (et d’évitement de l’imperméabilisation), de maîtrise des déversements en assainissement, etc. Néanmoins, le volet Ruissellement, non-associé à une compétence propre, a globalement été lésé. Il fait toujours au-jourd’hui l’objet d’une attention moindre que (i) la gestion des petites et moyennes pluies et (ii) que les inondations par débordement de cours d’eau.


Pourtant le rapport de l’IGEDD (2017) écrivait : 

« Aujourd’hui, la résilience des systèmes urbains aux flots qui les traverseraient brutalement dans des circonstances exceptionnelles serait insuffisante, et les dommages pourraient être importants  ; sans viser à maîtriser ces volumes extrêmement importants, il est indispensable, notamment au vu de la priorité principale que représente la sauvegarde des personnes et des biens : 

- d’améliorer la connaissance collective de l’existence de tels risques, 

- de maîtriser les constructions dans les secteurs les plus exposés ou d’en orienter les dispositions constructives pour faciliter la mise en sécurité des habitants, 

- de développer par ailleurs des prescriptions de portée plus générale permettant de minimiser les effets d’inondations par ruissellement sur les constructions et leurs équipements, 

- de travailler la forme des espaces publics et des voiries pour améliorer cette résilience, 

- d’améliorer l’alerte autant que nécessaire. »


C’est toujours le cas aujourd’hui, en 2025, 10 ans après. Une importante étude de la CCR a montré que :

le ruissellement au sens large n’est pas un aléa secondaire. Il concerne l’ensemble du territoire et est à l’origine de 60% des coûts des sinistres « inondation » en France.

Tableau : répartition de la part des coûts des sinistres inondation en France continentale selon la nature de l’aléa – période 1995-2019 (Moncoulon et al., 2020) 


selon la période de retour de l’événement pluvieux, la grande majorité des sinistres « ruissellement » observés, et c’est encore plus vrai pour le cumul de coût des dommages, concernent des événements relativement fré-quents – i.e. de période de retour inférieure à 20 ans ; bien loin des « pluies exceptionnelles ».

Tableau 2 : part des sinistres « ruissellement » par classes de périodes de retour – période 1995-2019 ((Moncoulon et al., 2020)


La gestion du risque ruissellement implique donc un spectre d’actions bien plus large et relevant de la résorption tant des désordres hydrauliques fréquents que de la gestion des conséquences des événements exceptionnels.


Restaurer la notion de niveaux de service, en l’élargissant au non-urbain, et en rappelant ses 4 niveaux de service et notamment le « niveau 3 » : 

Le rapport de l’IGEDD (2017) a proposé de différencier les « eaux gérées » et les « eaux non-gérées » : 

« Les eaux dites « pluviales » sont définies ici comme la partie de l’écoulement qui est « gérée » par des dispositifs dédiés (infiltration, stockage, collecte, transport, traitement éventuel) ; elles interagissent en permanence avec les eaux souterraines et les autres réseaux.

Les eaux dites « de ruissellement » sont définies ici non pas à partir d’un processus physique d’écoulement sur une surface, mais comme la partie de l’écoulement qui n’est pas « gérée » par des dispositifs dédiés. »


Ainsi, retenons qu’une partie du ruissellement peut et doit être « géré » et ce, à deux titres : 

Une partie de ruissellement « peu fort » (début du niveau 3) doit être gérée et doit s’avérer sans conséquence ; notamment au vu de leurs fréquences élevées qui fait que, même avec des dégâts matériels faibles par évé-nement, le cumul de dégâts est loin d’être négligeable. A ce niveau de ruissellement, les dégâts peuvent et doi-vent être soit évités, soit extrêmement réduits. Ce type de ruissellement devrait rentrer entièrement dans la ca-tégorie des « eaux gérées » au sens de la définition de l’IGEDD.

Une partie du ruissellement « très fort » (fin du niveau 3) pourrait voir « ses conséquences » « gérées », c’est à dire que toutes les mesures de limitation de vulnérabilité mais aussi de réduction de l’aléa devraient per-mettre de réduire (et a minima ne pas aggraver) les dégâts, sans pour autant que ceux-ci puissent être « évités ou supprimés ». L’eau n’est pas « gérée » à proprement parler, mais les conséquences le sont. Ce type de ruis-sellement rentre partiellement dans la catégorie des « eaux gérées » au sens de la définition de l’IGEDD car les dégâts résiduels peuvent rester « maîtrisés ». Le dispositif CatNat peut, dans certains cas très circonscrits, être mobilisé au titre d’effets locaux exceptionnels mais ne l’est généralement pas. C’est le début de son champ d’intervention, face à certains dégâts qui ne pourraient être évités ou réduits.


La différence entre le « ruissellement très fort » et le « ruissellement exceptionnel » est que le ruissellement exceptionnel induit une situation de crise particulièrement forte et improbable et pour laquelle « les dégâts ne peuvent être maîtrisés, évités ou réduits ». Il devient impensable de chercher à éviter les conséquences ; ce ruissellement exceptionnel ne relève qu’exclusivement des politiques de prévention des risques ; tant que les mesures d’aménagement du territoire, visant à limiter l’exposition, la vulnérabilité et l’aléa ont été mises en place. C’est à ce ruissellement exceptionnel, quasi-exclusivement, que le dispositif CatNat peut et doit servir. 

Ces principes, en lien avec les niveaux de service, ne sont pas limités aux systèmes urbains mais concernent bien tous les territoires. Ils sont évidemment à adapter aux contextes locaux, notamment en termes de « seuil » et périodes de retour, ou d’articulation des différentes compétences.


Mais qu’est-ce alors que « gérer le ruissellement "gérable" » : 

Une fois que toutes les mesures ont été prises pour gérer au mieux les niveaux 1 et 2, ainsi que le niveau 4 (relevant des politiques de prévention des risques), le niveau de service 3 traduit ce qui doit être fait, à l’échelle du territoire, pour « accepter les inondations ». 

Il est alors temps, dans cet article, de rendre hommage à Thierry MAYTRAUD, un grand homme de ce ruissellement gérable, décédé en 2022. Il a formé des générations d’acteurs eaux pluviales et a grandement participé à l’actuelle massification de la gestion des eaux pluviales.

Il écrivait les phrases suivantes, dans une des meilleures études concernant ces sujets (étude Atelier des territoires « Faire de l’eau une ressource pour l’aménagement » : articuler le pluvial à la politique urbaine d’une métropole. Le cas d’Aix Marseille Provence).


Il a alors fait partie des massificateurs de la notion de « rues-rivière » ou « d’espaces inondables en ville », voire de « lit majeur en ville » (comme évoqué dans La Ville et son Assainissement), c’est-à-dire l’aménagement du territoire, à plus grande échelle, pour « accepter l’inondation ». C’est également ce que traduisent les « sous-systèmes » mineur et majeur dans les niveaux de service.

Figure : Principe de rues-rivière, étude Aix-Marseille-Provence, ATM-AScA


La plénière du Forum « Faire de l'eau pluviale l'architecte des territoires » : 

Texte d’introduction : 

« Le changement climatique a installé la brutalité et l’imprévisibilité des pluies dans notre quotidien. Les mots « eaux pluviales » et « ruissellement » sont devenus banals dans les médias à l’occasion d’inondations toujours plus impres-sionnantes.

La société s’interroge : toute cette eau est-elle due au seul réchauffement ou à un mauvais aménagement des terri-toires ? 

Une eau qui tombe, ruisselle et déborde, alors qu’elle pourrait abreuver la végétation que les villes aimeraient déve-lopper pour faire de l’ombre en été. Une révolution est en cours...

Cette séance plénière de la 10ᵉ édition du Forum national de la gestion durable des eaux pluviales fera le bilan de dix ans d’action en matière d’eau pluviale. Les intervenants s’interrogeront notamment sur la difficulté à agir alors que la frontière entre gestion du risque inondation, gestion des eaux pluviales, assainissement et ruissellement est tou-jours aussi floue. »

Depuis 10 ans, il est indéniable que la gestion des eaux pluviales a avancé mais pas sur tout. C’est pourquoi un bilan est proposé, en lien avec la « décennie des eaux pluviales » proposée par le rapport de l’IGEDD, piloté par Pierre-Alain ROCHE en 2017 et la 10ème édition du présent Forum national pour une gestion durable des eaux pluviales.


Bon Forum à Tous !


Pour en savoir plus, visitez notre site internet : https://www.cerema.fr/fr



Publié le 05/03/2025